Sur les rails
Ils sont arrivés sur les rails
dans le grand silence des chiens
Hébétés
soulagés pourtant
comme on peut l’être
quand enfin grincent les roues
et que s’arrêtent les wagons
enfin
À bout de soif et de sanies
et de faim et de peur
des nuages gris dans les yeux
Sur les rails ils sont arrivés
sans savoir où sans savoir quand
avec
creusée au ventre
l’envie d’arriver quelque part
de descendre
de poser enfin
leur étoile
Rien ne les attendait
sinon les chiens
sinon la schlag et son rictus
sinon l’espace d’un silence
où poser la houle des corps
en marche en marche vers les fours
Sur les rails ils sont arrivés
Le feu couvait sous leurs paupières
même quand ils avançaient nus
vers la lueur grise et blafarde
des nuits brûlantes
et des brouillards
C’était hier
Et c’est encore
sur les rails rouillés des mémoires
que dans le ciel témoin d’Auschwitz
et le reflet des marécages
la nuit décompte les étoiles
éteintes.
Alain Boudet
le 27 janvier 2015