Mariane A. Broyles
Article mis en ligne le 2 juin 2014

par Alain BOUDET

Marianne est membre de la nation Cherokee d’Oklahoma, donc une descendante des Cherokee déportés dans les années 1830, épisode que l’on a appelé la piste des larmes. Elle a étudié à l’université d’Emory (Atlanta, Georgie) puis à L’université de Memphis (Tennessee) et possède un diplôme en creative writing. A l’heure actuelle, elle est infirmière psychiatrique dans un hôpital d’Albuquerque (Nouveau Mexique). Ses poèmes ont été publiés dans les revues et son premier recueil, paru en 2008, The Red Window, a reçu un accueil favorable des critiques qui saluent l’émergence d’une nouvelle voix indienne en poésie. Dans ses poèmes Marianne fait revivre l’oppression que les Indiens ont subi pendant la colonisation et la conquête de l’ouest, elle dresse la liste douloureuse des conséquences, mais ne se complaît pas dans la plainte. Au contraire elle exalte les forces de survivance et de résilience. Elle nous fait aussi partager les difficultés à se trouver une identité quand s’acharnent contre vous les forces de destruction, de dissolution. Ses poèmes sont une marche vers la dignité retrouvée. Ses manières sont douces et discrètes mais ses affirmations sont claires. En évoquant le passé elle propose la guérison et elle mobilise chez le lecteur les capacités d’empathie, d’espoir et d’entraide.

Transplantation cardiaque

Franklin est si grand et si solide, j’imagine que ses os pourraient s’étirer en un séquoia et ses pieds pourraient se transformer en une fougère, à peine touchée par le soleil.
Derrière des lunettes cerclées de noir, ses yeux sont sombres, des branches distantes alors que son cœur est un bonsaï, chaque battement mesuré pareil à de petites entailles faites par un outil d’élagage qui ralentit sa croissance.
Je pose la question d’une évaluation psychiatrique et à cet instant, Franklin n’est pas suicidaire… il croit qu’il peut continuer de vivre même si seulement parce que d’autres comptent sur lui.
Alors que je réfléchis à cela, je place le stéthoscope contre sa poitrine, j’écoute son cœur pomper le sang tandis qu’il me dit ce qu’aucun cours d’infirmerie n’enseignerait …. La raison pour laquelle il pleure davantage …. C’est parce que j’ai un cœur de femme.

 

Révolution Américaine

En l’honneur de Pop’pay ( Pueblo de San Juan), instigateur de la révolte Pueblo en 1680.

La plupart ne verrait pas la liberté dans
une corde à nœuds—il s’agit d’un usage différent de celui
d’attacher les choses ou les vaincus.

Chaque nœud représente un jour avant la révolte.
Les coureurs que tu avais envoyés le savaient aussi, que ce qui
Serait compté, que ce qui serait vu et tenu,
Pourrait transcender le langage.
Quand le dernier nœud fut atteint
Le temps était venu. Comme la nuit se dissolvant
Dans le petit jour, le sang humain non
labellisé espagnol ni Pueblo se fondrait
dans la terre pour la libération.
Pour abandonner les mines de la prospérité,
pour marcher sur leur territoire sans crainte.

Les gens de ton peuple dormaient sachant qu’ils se réveilleraient
dans un autre monde.
Dis-moi, puisque ta statue ne le fera pas,
où t’es-tu réveillé ?

 

Montagne Tigre
Le père de John qui est Muscogee et aveugle, commence
 à se taire
quand nous arrivons dans l’ombre
de la Montagne Tigre.

Il dit qu’il peut sentir
quand nous l’approchons
et quand elle devient
 plus lointaine.
 La Montagne Tigre regorge de serpents et de fantômes, rapporte-t-il.
Je me demande si les forêts denses de la Montagne Tigre
retiennent la nuit comme un thermomètre le mercure
qui se brise sous le soleil matinal
alors de petits globes toxiques s’éparpillent
dans les coins couverts de végétation, se cachent sous les feuilles pourries,
et se transforment en diamantins argentés.