Christophe Leray est enseignant depuis 22 ans. Il exerce actuellement à l’école de Berd’huis, dans le sud de l’Orne. Il développe depuis de nombreuses années une pratique de la poésie avec ses élèves faite de fréquentation assidue des poèmes, de pratiques variées de la lecture, de la diction, de l’écriture. Ces pratiques sont vivifiées par les échanges avec les autres enfants de l’école, mais aussi avec des adultes, les autres enseignants, les parents, et, cette année, une collaboration que nous avons mise en place puisque je suis "poète invité" dans l’école et que je rencontre l’ensemble des enfants dans leur classe, des enfants de maternelle aux enfants de fin de cycle 3. Voici quelques jalons sur les activités de poésie qui rythment la vie de la classe de CE2-CM1 de Christophe Leray. Sans nul doute, ils seront de nature à ouvrir des portes, à tracer des pistes pour d’autres enseignants soucieux de diversifier leur pratiques et de rendre présente de manière vivante la poésie dans leur classe.
L’imprégnation quotidienne
L’imprégnation quotidienne en début de matinée, en fin d’après-midi et à d’autres moments dans la journée. Nous disposons d’une « affichette » aimantée sur laquelle est écrit « Pause Poème ». Chaque élève peut la placer sur le tableau pour une courte pause dans la journée.
Des auteurs divers et variés choisis dans la littérature classique et contemporaine.
Ce sont des moments de lecture plaisir pour lesquels on ne recherche pas à expliquer les textes ni les mots.
Des lectures faites par les élèves quand ils le désirent. Une contrainte cependant : que la lecture ait été préparée afin qu’il n’y ait pas d’hésitation. On dit, on interprète le poème que l’on a choisi.
La mémorisation des textes poétiques
Pour cette mémorisation, voici comment je procède, chaque fois. Plusieurs textes sont donnés (trois ou quatre) d’un même auteur, ou sur un même thème. Chaque enfant choisira un poème parmi les trois ou quatre proposés et l’apprendra pour la semaine suivante. Il devra le recopier et l’illustrer.
Pour travailler la manière de dire les poèmes, voici comment je procède pour chaque poème. Je propose aux élèves de lire le poème silencieusement.
Puis je fais une lecture magistrale du texte. Ensuite nous faisons ensemble un « découpage » du poème, correspondant aux temps de pause (respiration, ponctuation, effets que l’on veut donner…) qui nous permettra collectivement des lectures aléatoires des poèmes. Ce découpage est établi, décidé collectivement, il n’est pas figé.
Chaque poème est dit par les élèves collectivement.
Pour cela, chaque enfant prend la parole quand il le souhaite, en ne coupant pas la parole à un autre et en évitant les « blancs ». Cela demande concentration, écoute de l’autre. Difficile à mettre en place les premières séances mais un réel plaisir pour les élèves et le maître par la suite. Le ton, l’intonation, l’interprétation de chacun fait que la poésie prend corps. Voici deux enregistrements de ce type de lecture à haute voix d’un même poème de Prévert. La puissance des voix est évidemment variable en fonction de la place des enfants par rapport à l’appareil d’enregistrement, mais l’enregistrement donne une idée de la démarche. Voici deux enregistrements aléatoires de poèmes par les enfants de la classe.
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… et voici un exemple de découpage de texte :
« Il pleure dans mon cœur » de Verlaine (Les / correspondent aux coupures et donc aux changements de voix) Un élève peut prendre la parole plusieurs fois !
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ; /
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ? /
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits ! /
Pour un cœur qui s’ennuie, /
Ô le chant de la pluie ! /
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure. /
Quoi ! Nulle trahison ?... /
Ce deuil est sans raison. /
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi /
Sans amour et sans haine /
Mon cœur a tant de peine ! /
La semaine suivante chaque élève dit "son" poème, l’interprète. On prend son temps, on prend plaisir… même si je me montre exigeant quant à la manière de le dire, de l’interpréter. Cette exigence devient vite, d’ailleurs, celle des élèves eux-mêmes, et ils recherchent, pour certains, l’excellence. Quand cette dernière est atteinte, que le silence opère, quand chacun est touché, ému, alors le plaisir est immense…
Voici deux poèmes dits par des enfants. Adelise dit un texte de René de Obaldia, Matis un texte de Jean-Pierre Siméon et Justine un texte de Paul Verlaine.
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Justine dit Verlaine | Matis dit Siméon | Adelise dit Obaldia |
La mise en valeur des textes poétiques
l y a, dans la classe, un coin lecture et une place importante y est réservée à la poésie. Recueils et anthologies sur présentoir mais également sur deux tables que les élèves fréquentent à volonté. Ils peuvent emporter pour un soir, une semaine, un livre de poésie pour eux-mêmes ou pour nous en faire profiter par une lecture à haute voix quand ils en ont envie. Nous fréquentons régulièrement la bibliothèque municipale municipale et les élèves choisissent pour la classe, en plus de leur roman, quelques ouvrages de poésie et des documentaires.
Cette année j’ai fait appel à une mallette de poésie de l’inspection départementale de l’Education Nationale qui met des ouvrages à notre disposition. J’ai choisi des livres la collection "Mango Jeunesse" : "Le Prévert", "l’Apollinaire"…
Certains élèves apportent eux-mêmes des ouvrages de la maison et nous préparent des lectures ou me sollicitent pour en faire. C’est très important de mettre en valeur, en lumière, ces textes apportés.
Nous avons fabriqué des mobiles à poèmes. Chaque poème est accroché à une petite pince à linge pour être décroché et lu par l’élève ou le maître, pour être emporté à la maison, pour voyager de classe en classe. On porte des poèmes aux différentes classes de l’école. Ces poèmes sont réactualisés régulièrement par le maître mais aussi les élèves qui en copient de manière libre.
Certains poèmes apparaissent sur le blog de l’école, d’autres sont affichés avec les illustrations des élèves.
Écrire de la poésie
On s’exerce à l’écriture en travaillant principalement la recherche d’images poétiques. Les enfants disposent de listes de mots (verbes à l’infinitif, champs lexicaux). On joue avec les mots, on les associe, on crée des vers, des images, avec ou sans verbes puisés dans les listes. On écrit beaucoup, on met les images que l’on a écrites au service de tous, puis chacun sélectionne en fonction de ses propres critères. On les associe, on les lie entre eux pour enfin produire un texte cohérent : le poème.
Parfois on écrit au calme à la maison. Parfois on manque d’inspiration, on ne se décourage pas on reprendra l’écriture plus tard.
Puis on met en valeur les textes produits : recueil, illustrations, diffusion sur le blog, partage avec les autres classes, lectures dans la classe et dans celles des camarades…
Sur le blog de l’école figurent aussi certains poèmes que j’ai choisis et certains poèmes choisis par les élèves, qu’ils ont saisis chez eux et qu’ils me mettent en commentaire de mes "billets" sur le blog. Je les publie ensuite.
Cette année des élèves m’ont offert des poèmes écrits par eux-mêmes ou recopiés. Une élève, très réservée, m’a apporté ce texte qu’elle a recopié à la maison.
La bougie a brûlé
Toute la nuit
Noël sans Lune
Cette année, deux élèves ont acheté des livres de poésie : c’est la récompense suprême !
Christophe Leray