Écrire : combiner les mots...
Article mis en ligne le 15 février 2016
dernière modification le 4 mars 2017

par Alain BOUDET

Ma libraire m’avait donné, il y a quelques années, une petite boîte qu’elle avait reçue des éditions Picquier, et qui ne pouvait être vendue.

Haïkus des 4 saisons – Le printemps / Un poème pour chaque jour
À l’intérieur, 250 aimants, étiquettes-mots pour se lancer dans l’écriture de haïkus.
Je l’ai laissée posée longtemps sur mon bureau, m’interrogeant de temps en temps sur ce qui pouvait en être fait avec des élèves de CE1, bien jeunes pour ce vocabulaire riche et peu habituel à leur univers.

Le déclencheur…

Un travail d’écriture, engagé en novembre avec le poète Alain Boudet m’a permis d’oser les mettre à disposition, en me disant qu’il ne s’agissait pas d’un risque majeur, et que l’on verrait bien ce qui allait en naître.
Un lundi matin, les enfants ont donc trouvé les mots, sur une armoire au fond de la classe. J’avais essayé de faire 4 colonnes très sommaires : les noms, les adjectifs, les verbes, et tous les autres...

Les modalités

J’ai donné les consignes suivantes :

"Lorsque vous avez fini un travail, que vous avez un peu de temps devant vous, vous pouvez aller écrire un petit poème. Deux enfants pas plus (l’espace est restreint) et sans bavardage... Ne vous préoccupez pas de l’orthographe, cela se réglera après. Si vous n’avez un verbe qu’à l’infinitif, ou conjugué à un temps qui n’est pas celui dont vous avez besoin, ce n’est pas grave, on verra cela plus tard. Écrivez ce qui vous plaît...
En fin de journée, je ferai le point avec celles et ceux qui ont écrit, et nous ferons ensemble les corrections nécessaires. Puis je noterai chaque texte sur une feuille afin de pouvoir le conserver. Chacun(e) peut y aller une fois seulement. Et quand tout le monde aura trouvé le temps d’écrire, celles et ceux qui le souhaitent pourront y retourner."

En fin de semaine, tout le monde y était allé ; j’ai donné « un coup de pouce » à quelques enfants moins à l’aise avec les mots. Quelques autres y étaient allés plusieurs fois (j’ai fait celle qui n’avait rien vu). Dés le premier jour, des mots leur manquaient. J’ai posé une boîte avec des étiquettes papier vierges, et des crayons afin qu’ils puissent écrire et utiliser leur propres mots.

Réflexions

Je ne sais pas comment tout cela a germé. J’ai observé que la musicalité des mots proposés n’était pas étrangère aux choix. Souvent, un enfant s’est emparé d’un mot dont il ignorait le sens, ne le « lâchant pas », et a construit autour de ce mot. Quand un enfant ne parvenait pas à terminer, je l’ai invité à fermer les yeux et je lui ai lu ce qu’il avait écrit, lui demandant d’entendre pour affiner son regard et ses sensations et lui permettre de saisir le mot manquant, la forme qui lui convenait le mieux... Parfois, il a fallu aider un enfant à ne pas poursuivre indéfiniment. Mais aucun enfant n’a refusé de participer.

Passée la première semaine, certains continuent avec enthousiasme, d’autres moins, ou pas. Ma difficulté est de trouver ces petits temps d’accompagnement individuel parfois nécessaires.
Je suis très étonnée, et touchée, par ce qui s’est écrit, chaque enfant avec sa sensibilité.

Voici, parmi des dizaines, quelques-uns des textes qu’Alain Boudet a choisis de donner à lire ici :

La mer chante
et son parfum
passe
sous les pruniers

Léane

Ce soleil est beau,
quand il regarde encore
la nuit noire.

Fanny

La
joie
soulève
tout

Les bois s’abandonnent
aux reflets tranquilles de ta terre

Ruben

Les rêves fleurissent loin des montagnes.  

Mael

Le ciel est doré
C’est la vie qui cloche dans nos cœurs

Emmanuelle

Je danse
sur les rosées
de l’arc-en-ciel

Faustine

La flamme oublie toujours le soleil
quand la nuit joue
avec le silence
sur la neige.

Shérine

Sans mon petit souffle
qui s’envole sur les feuilles,
la brise claire
ne retrouverait pas ses flammes

Maïlo

Ici, je porte mon chapeau en herbes

Timothée

 

Alors la terre se lève
   Poissons sauvages
      Lucioles lointaines
         Beauté des oiseaux
Voici mon rêve…

Léo

Le soleil traverse la lumière
avant de brûler
la naissance sauvage des brouillards.

Oscar

L’oiseau près de la fleur,
jamais mon regard ne le quitte.

Killian
 

Le poète fleurit les visages du matin.

Nathan

 

Isabelle Lavoix
classe de CE1 de école élémentaire Georges Lamarque à Grézieu la Varenne (69) / Janvier 2016